Mosquée dans St-Sauveur: pas plus dérangeant qu’un bar, dit le curé

Annie Mathieu
Le Soleil

(Québec) Même s’il reconnaît qu’une mosquée installée devant son église pourrait «changer le décor», le curé de la paroisse de Sainte-Angèle-de-Saint-Malo, dans le quartier Saint-Sauveur, affirme qu’une nouvelle voisine de confession musulmane ne le préoccuperait pas. Mais Alain Fiset dit comprendre les craintes de ses ouailles et n’entend pas essayer de calmer les ardeurs de certaines d’entre elles qui se sont vivement exprimées contre le projet.

De la fenêtre du presbytère, la vue sur l’ancien salon funéraire qui pourrait être transformé en mosquée est imprenable. Mais contrairement à des résidants du secteur qui se sont dits outrés par la proximité d’un nouveau lieu de culte musulman avec son église, Alain Fiset ne s’inquiète pas. «Il y aurait une discothèque de l’autre bord et ça ne me dérangerait pas plus», lance celui qui est en poste à l’église Saint-Malo depuis août dernier. Lors d’une consultation publique tenue mardi soir au sujet du projet de l’organisme Mosquée de la capitale, une dame avait dit qu’une mosquée humilierait les pratiquants et traumatiserait les personnes âgées. Elle avait également ajouté que celle-ci mettrait sur un pied d’égalité les religions chrétienne et musulmane. Un autre résidant avait dit craindre de ne plus se retrouver «chez lui». À la lecture de ces propos rapportés dans Le Soleil d’hier, Alain Fiset ne cache pas son amusement. «Je les comprends parce qu’ils se font bousculer dans leur sécurité. Ce n’est pas méchant, ils expriment une certaine crainte», tempère-t-il. Selon le religieux de 62 ans, les habitants de la basse ville, et surtout les personnes plus âgées, n’ont pas été souvent confrontés à l’inconnu. «Ils sont en train de vivre une transformation. Ce n’est pas du monde habitué à voir des étrangers», soutient-il. Alain Fiset croit qu’en principe, les gens de Québec sont d’accord avec le multiculturalisme, mais quand celui-ci s’installe «dans leur cour», c’est autre chose. Mais le curé n’estime pas qu’il a le devoir d’informer les membres de sa communauté, lors d’une messe par exemple, pour les aider à accepter le changement. Il ne compte pas non plus faire de la publicité contre l’éventuelle mosquée. «Je n’ai pas de morale à faire à personne», soutient celui qui juge que c’est aux médias de renseigner la population «comme il le faut» sur les différentes religions. Mauvaise presse Le curé Fiset affirme d’ailleurs que l’Église catholique jouit d’une très mauvaise presse. «Tout ce qui est chrétien, ça passe mal, mais ce qui vient de d’autres, ça passe mieux», avance celui qui croit que les médias cherchent toujours la bête noire et donnent l’impression que tous les religieux catholiques ont trempé dans des histoires de pédophilie. «Dans toutes les communautés, il y a du bon monde et des pommes pourries», tranche-t-il. S’il ne compte pas se servir de sa tribune pour éduquer les pratiquants qui fréquentent son église, en revanche, le curé se dit prêt à discuter avec ceux qui pourraient manifester des inquiétudes ou qui pourraient être ébranlés dans leur foi. Alain Fiset croit que c’est parce que cette dernière n’est pas suffisamment solide que les réactions sont si vives. «Si tu te sens menacé, c’est peut-être parce que tu n’es pas assez convaincu», évoque-t-il. Il entrevoit ainsi, dans le projet de mosquée, une occasion de secouer les chrétiens et raviver leur foi. «Le débat est lancé», conclut le curé.   Source : Journal Le Soleil